Le centre Georges Pompidou présente la particularité de ne pas faire appel à de la prestation de service pour de nombreux métiers de l’exposition. Comme au Louvre, la plupart de ces métiers sont représentés à domicile, de la fabrication des cimaises, à la restauration en passant par l’électromécanique, la fabrication des caisses, le soclage et de la marbrerie de soclage jusqu’à la scénographie. Ce sont des savoir-faire précieux mais ce modèle reste exceptionnel. Le projet du centre est, en effet, dès le départ d’être parfaitement autonome afin de garantir l’accueil de tous types d’œuvres. Cela a évidemment des nombreux avantages mais aussi des inconvénients. Par exemple, pour le métier de scénographe-architecte, le recours à des prestataires externes permet d’avoir un regard neuf sur les collections (A contrario, le musée du Quai Branly fait le choix de tout externaliser) en revanche cela suppose de développer une vraie compétence sur les consultations de marchés publics et sur la capacité de choisir les bons prestataires.

La régie des œuvres au Centre est donc épaulée par de nombreux professionnels maison, ce qui est un véritable confort, exceptionnel pour une institution patrimoniale. L’exposition Rétrospective Baselitz (21/10/21 – 07/03/22) artiste contemporain allemand, a toutefois présenté un véritable défi pour les équipes car il s’agissait de transporter des tableaux et sculptures aux formats monumentaux.

Nous avons écouté Aude Chaufourier, régisseuse d’exposition au Centre depuis 3 ans, qui nous a présenté quelques problèmes qui se posent lors du transport/convoiement de ce type d’œuvres.

Pour l’exposition Baselitz tout particulièrement le budget de la régie était particulièrement élevé (50% du budget de l’événement) car de nombreuses œuvres ont été prêtées. Elles proviennent principalement d’Allemagne et des Etats-Unis (l’exposition a présenté 400 œuvres de l’artiste, ce qui est un chiffre imposant).

Première problématique : la taille et le poids. Les œuvres ne rentraient tout simplement pas dans les camions habituels ni dans les avions. Pour certaines œuvres, un étrier a été construit pour pouvoir transporter les caisses dans l’avion.

Et qui dit œuvre monumentale, dit poids important. Il faut donc mobiliser des personnes et des outils spécifiques pour porter les œuvres à leur destination finale. Le danger n’est pas loin. De nombreux accidents de travail ont lieu à ce moment-là, moment qui, au demeurant, est aussi le plus excitant pour un régisseur. Ce dernier peut alors être inattentif et prendre des risques inutiles. Il est donc nécessaire de garder ses distances lors de la supervision de ces opérations de transport et de déballage.

Deuxième problématique : l’encombrement. Certaines œuvres ont été amenées en même temps, ce qui va tout de suite encombrer l’espace et les couloirs même à dimension du centre qui est un « grand » musée. Cela présente un risque d’accident pour le personnel et pour les œuvres. L’enlèvement des caisses doit donc être progressif pour permettre d’organiser l’accrochage sans risques.

Troisième problématique : le temps. Le déballage et le transport de ces œuvres monumentales à l’intérieur du musée prend du temps. Les rétro-plannings doivent donc tenir compte de ces petits temps perdus qui, une fois cumulés, peuvent peser sur le calendrier.

Dernière problématique : les assurances. Le centre prête ses oeuvres gratuitement sur le territoire national respectant ainsi sa mission de service public. Il n’en va pas de même à l’international. Gratuits au départ, le Centre impose dorénavant des fees pour les prêts internationaux (dans une politique de réciprocité avec les établissements notamment américains qui les ont toujours imposés). Ces frais pèsent lourd sur le budget. S’ajoute à cela le prix des assurances. Le Centre a recours à ses assureurs habituels avec lesquels les prix ont été négociés. Ici, les prêteurs germaniques, réputés plus à cheval sur la protection des œuvres, ont imposé leurs assurances qui ont coûté bien plus cher.

Le régisseur a la charge du planning de déballage, du montage et d’accrochage. Pour l’expo Baselitz, cela a été simple par ce qu’une seule œuvre monumentale a été accrochée par mur.

Mais dans d’autres cas, il faut organiser logistiquement l’arrivée des œuvres à partir des plans des scénographes en particulier quand elles sont grand format. Les expositions temporaires ayant lieu au 6ème étage du Centre, il faut donc imaginer l’arrivée des caisses par camion dans la rue, au milieu des passants et le risque que cela suppose ; le placement des caisses lourdes, monumentales et fragiles dans le magnifique monte-charge du musée (âgé de 40 ans mais toujours fonctionnel) ; l’arrivée dans le couloir/coulisse et enfin le déballage et le transport des œuvres dans l’espace d’accrochage.

C’est à se demander en effet l’intérêt de faire ces expositions au dernier étage du musée alors que de nombreux espaces sont plus accessibles et plus pratiques pour la régie. Hélène Vassal, conservatrice et cheffe de service des collections au Centre jusqu’en 2020, nous précise alors que c’est dans le respect l’esprit de Renzo Piano et Richard Rogers. Les deux architectes ont souhaité consacrer le 6ème étage aux expositions temporaires afin de garantir à la fois le plaisir de la visite du musée lui-même en empruntant ses escaliers et ascenseurs mais aussi cette vue imprenable et irremplaçable sur les toits de la capitale !

Propos recueillis lors de la formation « L’exposition de a à z » à l’Institut National du Patrimoine. Février 2022.

Zineb Majdouli

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