À la fois lieu de la mémoire nationale et exemple de maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle, la Maison Natale Charles de Gaulle est un lieu patrimonial majeur de Lille. Marie Lefebvre, directrice et Thomas Deschamps, responsable du service action culturelle, sont venus le 18 mars 2022 à l’Université Catholique de Lille, présenter leur institution et sa restauration récente.

I. Histoire du lieu

Charles de Gaulle voit le jour le 22 novembre 1890 au 9 rue Princesse à Lille, dans la maison de ses grands-parents maternels. C’est un lieu de retrouvailles pour la famille, et dans laquelle le futur général passera beaucoup de temps. La maison est habitée et vendue à plusieurs reprises avant de devenir un musée, dès 1983. La maison est ainsi dédiée à la genèse du général. Elle bénéficie d’un important programme culturel. La vie de la maison est ponctuée par les événements et les expositions temporaires, qui proposent d’aborder de points de vue différents l’histoire contemporaine.

Elle est classée Monument Historique 20 ans après la mort de Charles de Gaulle, en 1990, et reçoit le label Maison des Illustres en 2011. Depuis 1991, elle appartient à la Fondation Charles de Gaulle et est, depuis 2019, sous une double tutelle avec le département du Nord. Elle fait par ailleurs partie d’un ensemble de lieux gaulliens avec, par exemples, la demeure familiale à Colombey-les-Deux- Églises ou l’Historial Charles de Gaulle aux Invalides1.

Le projet de restauration s’est déroulé entre janvier 2019 et novembre 2020, soit un délai particulièrement court par rapport à son ampleur. L’objectif était de pouvoir réaliser l’inauguration le 22 novembre 2020 à l’occasion des 130 ans de la naissance de Charles de Gaulle.

De janvier à avril 2019, c’est le début de la réflexion : le projet est proposé aux élus. Après décision et jusqu’en juillet, un diagnostic et un avant-projet sont réalisés. De juillet à novembre, le projet est mis au point, l’autorisation pour les travaux est déposée et le musée ferme. Les collections sont déménagées au cours du mois de décembre et de janvier à février 2020, le chantier se prépare et les échafaudages sont installés. De février à octobre, les travaux ont lieu, les œuvres sont restaurées, les recherches se font en parallèle, selon les découvertes qui transforment les plans au fur et à mesure. En octobre, la maison est remeublée et réaménagée et l’inauguration a lieu en temps voulu.

S’en suit une importante exposition semi-temporaire sur les coulisses du chantier, qui permet au public d’en saisir les enjeux, les choix réalisés, les acteurs et la complexité.

II. Le chantier de restauration

Le chantier est sans précédent et répond à des enjeux multiples. D’abord matériels : les fissures aux murs, l’affaissement des planchers, la désolidarisation des cheminées ou l’état de presque délabrement des façades extérieures exigeaient une intervention importante. Ensuite, c’était également l’occasion de transformer la maison pour la rapprocher au maximum de celle de l’époquedu jeune Charles de Gaulle : avec le temps, certains espaces avaient été modifiés, comme la véranda qui datait des années 1960 et certaines salles, modernisées. Au-delà de la restauration, qui n’a concerné que certains espaces, il s’agissait donc de faire une restitution dans l’optique de proposer une visite immersive. L’objectif était également de moderniser les espaces d’accueil du public et de médiation. Enfin, les travaux avaient pour but de faire événement et d’aboutir pour novembre 2020.

Les travaux ont aussi été l’occasion de réécrire le parcours de visite, de l’actualiser en y intégrant les découvertes récentes. La communication, notamment l’identité graphique et le merchandising, ont été modernisés également.

Le coût des travaux s’est élevé à environ 3 millions d’euros. Le département du Nord et la Direction Régional des Affaires Culturelles ont été les principaux financeurs du projet. Le chantier a également bénéficié d’une politique de mécénat et d’une campagne de financement participatif2, mis en place par la fondation du Patrimoine.

Les travaux mobilisent de nombreux acteurs : outre ceux en charge du financement, le chantier a été mené par le ministère de la Culture via la DRAC, et par une maîtrise d’ouvrage dépendant du Département du Nord.

La maîtrise d’œuvre comprend de nombreux services. Les services d’archives et d’archéologie ont été mobilisés pour appuyer les recherches. Elle comprenait également le service Technique d’Intervention, la direction Sport et Culture, ainsi qu’une MOE, en d’autres termes, la maîtrise d’œuvre. La MOE, qui dirige le projet selon la maîtrise d’ouvrage, comprend quant à elle : l’OPC (ordonnancement, Pilotage et Coordination), la CSP (coordination, sécurité et protection de la santé), et travaillait avec le cabinet d’Etienne Poncelet, Architecte des bâtiments de France.

En principe, les entreprises amenées à travailler sur le chantier sont recrutées par la maîtrise d’ouvrage par voie de marché, autrement dit par appel d’offre, selon les règles de la commande publique. Cependant, au vu des délais restreins, les entreprises mobilisées pour le chantier ont été celles de la maîtrise d’œuvre. Au total, le chantier a demandé l’investissement de 24 entreprises, dont 11 spécialisées dans les monuments historiques, qui étaient donc déjà liées au département. L’ameublement a été principalement réalisé avec l’aide d’un antiquaire spécialisé, privé, et dont le réseau était particulièrement important.

Les intervenants ont également insisté sur la place du politique dans la conduite d’un tel projet, dont l’ampleur, les coûts et la dimension symboliques sont importants. Le projet de restauration a bénéficié du soutien et de l’implication du président du département, Jean-René Lecerf. Les travaux ont nécessité de nombreuses réunions et négociations.

III. Le travail de l’équipe du musée

Marie Lefebvre et Thomas Deschamps nous ont notamment fait part de leur expérience personnelle et de leur équipe de 5 personnes. Prendre part à un chantier de restauration de cette ampleur est rare, les délais étaient extrêmement courts, et il est également souhaitable de se faire une place parmi les professionnels sur le chantier, c’est pourquoi ils ont mis en place une méthode de

travail. Leur travail a concerné les recherches, la documentation, ainsi que la communication et la poursuite de la médiation durant les travaux.

« Le monument parle, il faut l’écouter ». Cette phrase d’Etienne Poncelet, l’Architecte des bâtiments de France, est à l’image d’une partie du travail de recherche qui a été effectué. Les travaux ont en effet permis la découverte de nombreux éléments comme par exemple, des papiers peints anciens. Il s’agissait alors de les répertorier et de s’en servir comme modèle pour la reconstitution. D’une manière générale, beaucoup d’indices sur l’ancien aspect de la maison ont été découverts et répertoriés lors des travaux.

Ensuite, il y a eu un important travail sur les sources et la documentation disponible. Les sources iconographiques sont faibles : très peu de photos de la maison existent, et elles sont toutes prises de l’extérieur. Quelques témoignages ont également pu être utiles, mais ils restent peu fiables. Une généalogie de la famille Maillot, les grands-parents de Charles de Gaulle, ainsi qu’une étude très complète de la DRAC réalisée en 1993, rassemblant la correspondance avec les descendants de la famille, des actes notariés et une bibliographie d’ouvrages spécialisés ont permis de cerner le contexte de la vie de la famille. Autrement dit, d’en comprendre le niveau de vie, et l’origine sociale, en l’occurrence : la moyenne bourgeoisie entreprenante lilloise de la fin du XIXe siècle.

En croisant ces informations sur le contexte avec les découvertes faites pendant les travaux, des manuels de décoration de l’époque, trouvés en ligne sur Gallica, ainsi que des représentations et photo de maisons analogues, toujours en discutant avec les artisans et les professionnels, ils ont pu établir une typologie selon les pièces. Pour chaque espace de la maison, ils ont créé un document rassemblant les résultats des recherches, des références iconographiques, un nuancier et des plans.

Leur seconde activité a consisté à poursuivre la communication et la médiation autour de la maison natale durant la fermeture, d’autant que 2020 était l’année de la commémoration. Cela s’est traduit par une importante activité sur les réseaux sociaux, l’utilisation de la palissade comme support de médiation traduit en 4 langues, ainsi que la création d’une exposition itinérante. Cette exposition avait pour but d’expliquer ce qu’était la maison natale et a connu un très bon succès, notamment dans les écoles. Trois jeux d’exposition supplémentaire, imprimés sur kakemonos et donc facilement transportables, ont dû être réalisés face à la demande.

Les travaux réalisés dans la maison natale de Charles de Gaules sont exceptionnels par leur vitesse et leur succès. Finalement, ils ont amené à un agrandissement de l’équipe et une forte hausse de la fréquentation.

Propos recueillis par Juliette Pokorny

Fondation du patrimoine, Maison natale de Charles de Gaulle à Lille, Financement participatif. URL : https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/maison-natale-charles-de-gaulle-a-lille

Fondation Charles de Gaulle, Site officiel. URL : https://www.charles-de-gaulle.org/

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